Les fans de Ridley Scott, comme moi, attendent déjà depuis longtemps, trop longtemps, le retour en grâce du grand réalisateur dont les images et les univers nous faisaient tant rêver : Blade Runner, Alien, Legend, 1492 et biensûr Gladiator.
A chacun de ses nouveaux films, on espère retrouver ses émotions si fortes, le charisme d'un personnage qui nous emmène dans une histoire extraordinaire. Une lueur d'espoir a cependant pointé quand le dernier Alien, réalisé par F. Alvarez et produit par Ridley Scott, a réussi à étonner et sortir du lot des derniers films brinquebalants du cinéaste. Maiiiiiis... non. Quand çà ne veut pas, çà ne veut pas. Gladiator II est encore pire que les précédents.
Vingt ans après la mort du héros Maximus, Lucius, son fils, vient combattre dans les arènes de Rome comme son père l'avait fait avant lui, pour venger sa femme tuer par les soldats romains. Voilà. Pas de surprise dans le scénario, on prend les mêmes et on recommence. David Scarpa, scénariste du déjà médiocre Napoléon de Ridley Scott, s'est juste contenté de copier les bases du premier Gladiator. Seulement, la sauce ne prend pas. L'histoire s'étend péniblement sur deux heures et demi. On en peut plus tellement les ficelles sont grosses et donc sans aucun intérêt. Le fils Lucius, reprend ce qu'a fait le père Maximus, dans exactement les mêmes conditions. A croire que Ridley Scott tourne juste pour tourner, sans aucune émotion et sans enjeu. Les acteurs se débattent vainement dans un bourbier de répliques toutes plus insipides les unes que les autres. On connait les débuts de phrases et les fins, tellement c'est bateau. Ce n'est pas en ramassant du sable plusieurs fois dans le film sur une petite musique douce que les larmes viendront aux yeux des spectateurs.
Pedro Pascal et Connie Nielsen s'en sortent tout juste, ce n'est pas la cas de Paul Mescal, certes au physique avantageux et aux jolis yeux bleus, mais aussi expressif que le vide absolu du scénario. Nous sommes loin, très loin du charisme magnétique de Russell Crowe et de Joaquin Phoenix en méchant empereur. Les deux énergumènes que sont les frères Caracalla et Geta sont ridicules et ne font a aucun moment peur, sans compter les scènes parfois gênantes de surjeux au moment de la mort des uns et des autres.
Si on se concentre sur la technique c'est pire. Ridley Scott, connu pour son pointillisme est loin de ses performances habituelles. Les effets sont navrants et la réalisation vieillotte. La première séquence dans l'arène avec les singes est digne des jeux vidéo des années 90, quand à l'arène transformée en piscine à requins, c'est déplorable. Non pour la véracité de la présence des requins, on s'en fiche un peu, c'est une fiction ! Mais pour les effets spéciaux. Flous, imprécis, avec des mouvements tellement loin de la réalité. C'est même honteux pour un film de cet acabit. Sharknado est dix fois mieux réalisé de ce point de vue là. Notons quand même que cette séquence est totalement pompée sur celle de la série "Those about to die" (réalisée par Roland Emmerich) diffusée sur Amazon Prime. On sent le manque d'inspiration : on remplace les alligators par des requins et le tour est joué !
(Séquence de la série "Those about to die" réalisée par R. Emmerich et produite par Amazon Prime)
Avec quasiment un an de tournage et tout autant de post-production, on s'attend à un chef-d'œuvre, malheureusement on en est très loin. Tout sent la naphtaline, comme un relent des années Gladiator, mais de seconde main. Cela embaume également la testostérone, comme si le scénariste et son réalisateur étaient coincés dans une époque révolue, à moins que ce soit les années Trump qui reviennent à la mode. Un comble pour Ridley Scott qui nous a quand même filmé une des femmes les plus badass de l'histoire du cinéma au travers de Ripley dans Alien. Deux femmes en tout et pour tout dans Gladiator II, avec une qui meurt au début dans une scène peu crédible et l'autre sans réelle implication au final dans l'histoire, à part faire des allers retours entre son siège et Lucius en chouinant comme 20 ans auparavant. Les femmes sont reléguées en figurantes ou petites choses fragiles dans un monde viril de jupettes en cuir, de muscles huilés ou de manipulations politico-économiques certainement peu adaptées à leurs cerveaux. N'étant pas dans un documentaire mais une fiction avec un remaniement de l'Histoire, je me permets de signaler qu'il aurait été tout à fait plausible d'ajouter des touches féminines beaucoup plus élaborées. Mais non. Restons dans un péplum des années 50, c'est beaucoup mieux apparemment.
Vous me trouverez certainement dure, peut-être trop irascible. Mais cela m'énerve beaucoup. Déjà parceque pris séparément, les techniciens sont bons dans leur domaine. Certains viennent du premier opus, d'autres de films aussi prestigieux que Batman, Indiana Jones ou Dune. Mais dirigés par un chef d'orchestre peu inspiré, cela donne une bouilli indigeste. C'est bien dommage de gâcher autant de talents. D'autre part, parceque j'ai l'impression d'être prise pour une vache à lait invisible. Ridley Scott se targue d'avoir eu le director's cut sur ce film (en gros cela signifie que le réalisateur a le dernier mot sur la finalité du film et non les producteurs), un traumatisme qu'il traine depuis Blade Runner. Du coup il flatte son narcissisme artistique en réalisant un film de deux heures et demi en ayant rien à faire du plaisir des spectateurs, tout en pensant qu'il se fera un pognon monstre (encouragé par les studios), parceque la nostalgie de Gladiator est particulièrement forte. Sauf que non ! Faire une suite n'est pas la solution. Surtout quand il y a aucune inventivité et aucune prise de risque dans la réalisation. Je connais Ridley Scott ; dans le milieu on sait tous qu'il n'est pas facile sur les tournages. C'est un bon technicien, un très bon réalisateur... quand il a des gens capables de le contrer. Car il lui faut un miroir, lui permettant d'aller au-delà des apparences. Sauf que personne ne lui dit non ou ne l'emmène dans la réflexion. Une catastrophe qu'on voit régulièrement chez les plus grands réalisateurs. Cà se voit, çà se sent et çà donne des œuvres minables pour des réalisateurs qui ont un talent exceptionnel. Gladiator II est sans doute un des pires films de Ridley Scott et je suis la première triste à le penser. C'est peut-être aussi pour cela que je suis aussi remontée contre ce film, parceque je suis déçue une fois de plus par un artiste qui a bercé ma jeunesse cinéphilique.
Pour finir sur un point positif, une petite flamme de bonheur dans ce film raté : Denzel Whashington. Comme si il faisait son show de son côté, il nous sort un méchant piquant, terriblement habile et en finesse dans son jeu.
Si vous allez voir quand même Gladiator II, allez y pour Denzel, il a fait un travail sublime.
Comments